Politique de l'eau : réactiver le débat et la concertation Trente mois après l'adoption de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, un nouvel avis du conseil économique, social et environnemental (CESE), adopté le 13 mai dernier, dresse un état des lieux sur les usages domestiques de l'eau et formule plusieurs propositions de nature à améliorer la gestion de l'eau en France. Qualité de l'eau, égalité de traitement entre les usagers, prix du service de l'eau, protection de la ressource, concurrence entre les usages, économie des services de l'eau et de l'assainissement, de nombreuses problématiques sont passées au crible et assorties de propositions dont certaines sont assez innovantes. C?est par exemple le cas de celle qui préconise une réflexion sur la mise en place de nouveaux modes de rémunération des services de l'eau et de l'assainissement susceptibles de prendre en compte l'élargissement de leurs missions. On le sait, la tendance à la baisse des volumes consommés et facturés risque de remettre en question, à terme, le modèle économique des services d'eau et d'assainissement puisqu'une grande partie de leurs charges, constituées de frais fixes, sont couvertes par des recettes variables assises sur les volumes en baisse pendant que leurs missions ne cessent de s'élargir. Ce problème doit donc être anticipé, c'est à dire posé et débattu. Plusieurs pistes sont suggérées par le CESE pour concilier les nouvelles missions de ses services avec un mode de financement pérenne, on en lira le détail dans les pages qui suivent. Autre proposition innovante, en matière de gestion de la ressource cette fois, le coup de pouce donné à la réutilisation des eaux usées (REUE) que le Conseil souhaite voir devenir « une solution praticable par les collectivités locales ». Alors que la France était au début des années 1980 parmi les pays les plus en pointe sur le sujet, alors qu'elle abrite en son sein les entreprises les plus pointues du domaine, qui participent directement à la plupart des grands projets de réutilisation des eaux usées dans le monde, notre pays, en restant cantonné à quelques réalisations mineures, a accumulé un retard considérable. Le fait que l'état de nos ressources ne nécessite pas le développement de cette pratique n?est pas un argument recevable. Il conduirait en effet à limiter les bénéfices de la REUE au simple aspect quantitatif alors qu'elle est bien plus que cela. En plus de mobiliser des ressources supplémentaires de bonne qualité en court-circuitant le cycle naturel de l'eau, elle contribue à la protection des milieux en conservant et en préservant les ressources et en réduisant les rejets de nutriments et de polluants dans le milieu récepteur. A ce titre, et même sans nécessité de mobiliser des ressources en eau supplémentaires, la REUE doit être considérée comme une mesure de protection environnementale à part entière susceptible de contribuer à l'atteinte du bon état écologique des eaux. Il est donc grand temps d'encourager cette pratique en clarifiant et en encadrant sa mise en ?uvre. Parmi les nombreuses autres propositions du CESE, on relèvera la possibilité pour les collectivités qui le souhaitent d'unifier les service public de l'assainissement collectif avec celui de l'assainissement non collectif ou encore le souci de favoriser une « réversibilité effective » des modes de gestion des services en accordant aux assemblées délibérantes la faculté de procéder, au regard des indicateurs et à chaque renouvellement de mandat, à un examen des contrats de délégation de service public ou de fonctionnement des régies. Ces quelques propositions - parmi bien d'autres - pointent des problématiques restées sans réponse qui montrent bien l'importance de réactiver le débat et la concertation pour combler les failles qui subsistent aujourd'hui encore dans nos politiques publiques de l'eau.